Bonjour ! Pardonnez ce long silence mais j'ai été particulièrement occupé à mettre la touche finale à un ouvrage qui sera publié chez De Boeck en juillet 2011. Ouvrage que je co-dirige avec Cyril Tarquinio, il s'agit d'un traité, intitulé ici "Traité de Psychologie Positive : Fondements théoriques et implications pratiques". Cet ouvrage sera complémentaire avec l'excellent ouvrage publié par Jacques Lecomte en 2009. Histoire de vous faire patienter, je vous livre ici l'introduction en avant-première.
La Psychologie Positive
Charles Martin-Krumm, Maître de Conférences, CREAD, EA 3578 – IUFM de Bretagne – Ecole Interne de l’Université de Bretagne Occidentale, IFEPS Angers, vice-président de l’Association Française et francophone de Psychologie Positive, membre du bureau directeur de l’European Network of Positive Psychology.
Cyril Tarquinio, Professeur des Universités, Unité de Recherche APEMAC EA 4360 Equipe Psychologie de la santé Université Paul Verlaine de Metz.
« C’est facile, je peux… ». Voilà un adage de la méthode Coué qui met en avant la force de la pensée positive, et qui pourrait d’une certaine manière, refléter certains principes de la Psychologie Positive. Ce courant de la psychologie, dont les origines et les fondements théoriques seront présentés tout au long de cet ouvrage couvre différentes thématiques de recherche et d’applications qu’il s’agisse de l’étude du bonheur, de la prise en charge de patients, de la prévention ou plus globalement du développement et de l’optimisation du capital humain. Pour autant on ne saurait réduire la psychologie positive à l’étude du Bonheur ou réduire ceux qui portent cette discipline à un simplisme béat. L’objet est plus complexe qu’il n’y paraît et les enjeux sans doute déterminant pour les individus que nous sommes dans ce siècle qui bouscule parfois avec violence tous les cadres qui étaient les notre. Alors de quoi cette nouvelle discipline de la psychologie est faite ? Quelles sont les autres thématiques ? Quelles retombées en termes d’interventions ? Quels enseignements tirer pour les individus et les sociétés ? C’est à l’ensemble de ces questions et à bien d’autres encore que l’on est en droit de se poser que cet ouvrage tentera de répondre, grâce aux nombreuses contributions des plus grands spécialistes de cette discipline, aujourd’hui en plein essor.
1. De quoi s’agit-il exactement ?
Les auteurs qui ont été sollicités sont tous des sommités dans leur domaine et les 33 chapitres qui suivent vont présenter un aperçu varié et complet des domaines concernés par la psychologie positive. Quatre parties constituent le corps de cet ouvrage. La première partie introductive est composée de trois chapitres. Le premier de ces textes nous le devons aux deux co-fondateurs de la psychologie positive que sont Martin Seligman et Mihaly Csikszentmihaly qui vont en poser les fondements et les origines historiques. Jusqu’à présent, les psychologues ont analysé et commencé à comprendre comment les individus survivaient à ou étaient capables d’endurer des épreuves difficiles. Or, on ne sait rien ou pas grand chose, sur les individus qui vont bien ou qui se sentent bien. C’est là un changement de perspective radical qui abandonne la pathologie et le traitement du pire pour une analyse du bon et plus généralement des qualités positives. C’est non seulement à un changement d’objet que nous invite la psychologie positive mais aussi et surtout à un glissement paradigmatique (Un paradigme est une représentation du monde, une manière de voir les choses) auquel nous invitent les auteurs de premier texte.
Dans le deuxième chapitre de cette introduction, Shelly Gable et Jonathan Haidt, nous expliqueront pourquoi le mouvement de la psychologie positive s'est développé aussi rapidement en seulement 5 ans. Ils suggèrent que cette nouvelle approche en psychologie répond en fait à un besoin de rétablir l’équilibre au sein même de la psychologie clinique (trop préoccupées selon les auteurs par le pathos et la maladie), afin de s’ouvrir à d’autres objets et d’autres dimensions de la personne. Enfin, Antonella Delle Fave, ex-présidente de l’European Network of Positive Psychology (ENPP) et présidente de l’International Positive Psychology Association (IPPA) clôturera cette première partie en développant l’actualité du champ, les avantages et les pièges des approches positives en psychologie.
2. Objets, modèles et paradigmes de la psychologie positive ?
Dans une deuxième partie composé de 15 chapitres nous proposerons un ensemble de textes susceptibles de circonscrire le cadre théorique et paradigmatique de la psychologie positive. Bien que cet ouvrage se veut aussi complet que possible, il n’en est pour autant pas exhaustif. En fait nous avons plutôt fait le choix de couvrir les aspects de la littérature les mieux documentés et les plus reconnus. Ainsi, un soin particulier a été apporté dans le choix des textes afin de proposer au lecteur des contributions variées et complémentaires qui sont autant de déclinaisons possibles de ce qu’est devenu aujourd’hui la psychologie positive et de ce qu’elle s’apprête à devenir.
Le bien-être et le bonheur, entre facteurs environnementaux et variables de personnalité
Le bien-être et le bonheur des individus sont les objets des six premières contributions. Pelin Kesebir, Ed Diener et Martin Seligman dans les deux premiers textes explicitent les relations entre bien-être et pouvoir politique, montrant ainsi qu’il existe bien d’autres indicateurs qu’économiques que ceux actuellement utilisés pour évaluer le niveau de bien-être des sociétés. Dès lors, comment définir ces variables et ces indicateurs ? Quelles relations doit-on envisager entre ces indicateurs? Tout le monde n’est-il pas à la quête du bonheur et du bien-être ? Plus généralement, comment être heureux ?
Le chapitre de Ruut Veenhoven nous montrera que le bonheur peut être augmenté en améliorant la qualité de vie en société et en renforçant les compétences de vie des individus.
Un bonheur que l’on peut selon Félicia Huppert et ses collègues quantifier grâce à certains indicateurs qui peuvent être utilisés à des fins de mesure. Alors pourquoi certaines personnes sont-elles plus heureuses que d’autres ? C’est ce tentera de nous expliquer Julia Boehm et Sonja Lyubomirsky dans leur chapitre, qui analyseront comment les expériences subjectives et les perceptions divergent entre les personnes heureuses et celles qui le sont moins.
Enfin, la contribution de Marta Bassi et Antonella Delle Fave sera d’envisager la natures des caractéristiques individuelles et environnementales susceptibles d’optimiser le bien-être dans le temps.
Les chapitres qui suivent s’attacheront à l’étude de dimensions plus intrinsèques tels que les traits de personnalité. Souvent controversée dans la littérature d’inspiration psychosociale, cette dimension retrouve avec la psychologie positive une ampleur heuristique non négligeable.
Les traits de personnalité positifs
Le premier de ces traits à faire l’objet d’une présentation est l’optimisme. Peut-on le limiter à la seule confiance en l’avenir et à la survenue d’événements plaisants ? Ou et c’est plus vraisemblable cet optimisme relève-t-il d’une réalité plus complexe ? Charles Martin-Krumm et Cyril Tarquinio répondront à cette première question. Légitimement, il est possible de lui conférer le statut de force de caractère. En effet, être optimiste quelles que soient les conditions, ne relève-t-il pas d’une telle force ? Christopher Peterson et Nansook Park montrent qu’effectivement l’optimisme fait partie des qualités des individus, mais qu’il n’est que l’un des éléments qu’ils ont pu mettre en évidence.
Pour leur part, Ursula Staudinger et ses collègues vont présenter une vision originale du concept de « sagesse ». La sagesse est-elle un trait de personnalité en soi, ou une constellation de traits de personnalité ? Est-elle plutôt la conséquence et/ou le corrélat de certains traits de caractère ?
L’épanouissement de la personne, l’amélioration de la santé, passion et émotions
La passion harmonieuse et la passion obsessive sont deux concepts s’imbriquant à merveille dans le cadre de la psychologie positive. C’est ce que montrera Robert Vallerand, Président élu de l’IPPA et ses collaborateurs dans un chapitre qui fait un lien entre ces deux objets. Quelles sont les conséquences intra-personnelles et interpersonnelles associées aux différents types de passions ? Quels sont les déterminants de la passion ?
Si la passion est une émotion parmi les plus étudiées de la psychologie positive, il en existe bien d’autres qui ont retenu l’attention des chercheurs de ce domaine. Comment faire face aux situations difficiles et aux émotions négatives que ces situations font émerger ? C’est ce qu’abordera Michèle Tugade dans son chapitre consacré à l’adaptation, à la résilience et à leur interaction avec les émotions négatives versus positives.
Dans le prolongement de ce texte, Anne Conway et ses collaborateurs insisteront au travers la « théorie étendre-et-développer » sur le rôle des émotions positives dans la création de ressources à long terme telles que le bien-être et la résilience.
Le bien-être corporel fera l’objet des deux contributions suivantes, celle de Kate Hefferon et celle de David Trouilloud. En effet, si les aspects psychologiques font l’objet d’une attention particulière, (y compris dans cet ouvrage), ce serait une erreur de penser de la psychologie positive puisse faire l’économie de la corporéité. Sans vouloir en revenir à un dualisme cartésien, il convient de se re-pencher sur les relations entre le corps et l’esprit. Qu’elles peuvent être les relations entre la psychologie positive et le corps ? Quels peuvent être les bénéfices de l’activité physique sur la santé mentale ? Les deux auteurs apporteront leurs réponses à ces deux questions. Dès qu’il est question de corps et de santé, il est souvent question d’entretien et donc pratiques physiques ou sportives.
Enfin, la contribution de Philippe Sarrazin, Luc Pelletier, Edward Deci et Richard Ryan sera destinée à lever une partie du voile sur les conditions qui permettent à chacun d’entre nous d'exploiter ou pas ses forces motivationnelles internes. Après avoir présenté les postulats fondamentaux et les 5 mini-théories qui composent la théorie de l’autodétermination, les auteurs tenteront d’identifier quels sont les facteurs sociaux et les processus susceptibles de conduire au bien-être versus mal-être des individus dans différents domaines de la vie (e.g., monde professionnel, santé, école).
3. Quelles interventions, quelles mises en pratique, quels objectifs ?
L’un des objectifs majeurs de la psychologie positive est aussi de permettre aux individus de se remettre d’un choc, de faire face, de revenir à un niveau d’équilibre après qu’ils aient expérimenté des moments difficiles dans les différents contextes de la vie. Les techniques d’intervention qui sont présentées ici ont cet objectif. Mais peut-être que l’ambition de la psychologie positive est plus grande que le seul retour à l’équilibre. Il s’agit aussi de permettre aux individus de tirer quelques choses de plus de ces épreuves, d’autres compétences, d’autres aptitudes et peut-être d’autres talents.
Psychothérapie et psychothérapie positive
Certains événements peuvent être à l’origine de véritables traumatismes, invalidant pour la personne, pouvant la conduire à une grande souffrance psychologique. Certaines réussissent à surmonter le trauma, surpassant et transcendant même ce qu’ils étaient avant la phase de crise. Ce phénomène a fait l’objet de travaux qui ont conduit à l’élaboration du concept de Posttraumatic Growth qui est présenté dans le texte Marina Kretsch, Cyril Tarquinio, Stephen Joseph et Charles Martin-Krumm. Les conditions d’émergence, les processus en jeux et les bénéfices pour les victimes y sont décrits et expliqués.
Le « comment » développer la capacité à faire face à l’adversité sera également envisagée par Claude Berghmans dans le cadre d’approches psychothérapeutiques issues de la pleine conscience. Il s’agira de montrer en quoi le mindfulness peut se révéler utile pour développer et maintenir l’état de bien-être.
Dans le prolongement de ces deux chapitres, Bénédicte Gendron se proposera d’apporter un éclairage sur le capital émotionnel au service du développement du bien-être à partir, de la thérapie de l’acceptation et de l’engagement.
Trop souvent identifiée dans le domaine de la prise en charge du psychotraumatisme l’EMDR (Eye Movement Desensitization Reprocessing) permet aussi de potentialiser les ressources psychiques et émotionnelles des individus. Par conséquent cette approche trouve toute sa place, dans le champ de la psychologie positive. Martine Laizeau, Cyril Tarquinio et Charles Martin-Krumm expliciteront en quoi consiste cette nouvelle forme de psychothérapie qui autorise tous les espoirs dans le retraitement des traumatismes, et comment le développement et l’installation de certains protocoles permet de renforcer le bien-être de la personne, ainsi que ses ressources adaptatives.
Enfin, le chapitre de Tayyab Rashid et Antonia Csillik viendra compléter la réflexion et les pistes autour du processus psychothérapeutique, en discutant les bases conceptuelles et théoriques d’une psychothérapie qualifiée de positive.
Le développement du capital humain
Dans le domaine de la psychologie positive, le développement du capital humain passe par la prise en compte d’un ensemble de facteurs qui relèvent du domaine de l’intervention. En premier lieu, il s’agit de comprendre comment les individus peuvent mettre en valeur, améliorer et tirer le meilleur de leurs forces et de leurs compétences tout au long de leur vie. Quel contrôle les individus peuvent-ils exercer sur leurs conditions de vie ? Existe-t-il des facteurs susceptibles d’augmenter le niveau de bien-être des individus ? C’est à de telles questions que Marie-Josée Salvas Shaar et Kathryn Britton tenteront de répondre en intégrant des arguments qui articulent entretien physique, sommeil, nutrition et psychologie positive.
Gratitude, programme d’éducation positive, programmes personnels et coaching
La gratitude est un état d’esprit ou un sentiment de reconnaissance envers une personne dont on a reçu un bienfait ou un service, et qui nous incite à donner quelque chose en retour. Comment définir cette notion de façon plus précise ? Quel impact peut-elle avoir sur les individus et leur bien-être ? Philip Watkins expose le rôle qu’elle joue sur les aspects positifs de l’expérience humaine. Si la gratitude confère bien des bénéfices sociaux et émotionnels, il est alors important de comprendre la façon dont les interventions de gratitude pourraient être mises à profit dans différents contextes de façon à améliorer le bien-être des individus.
Ilona Boniwell dans le chapitre suivant nous invitera après un large aperçu de sa conception de la psychologie positive à prendre connaissances de certaines initiatives d’éducation positives en matière de prévention de la dépression et d’activation du bien-être et des compétences sociales et émotionnelles. C’est d’ailleurs dans le même esprit que Teresa Freire se penchera sur le rôle des loisirs et ce qu’ils apportent en termes de style de vie sain et positif, en insistant sur leur rôle dans le processus de développement de l’identité chez les adolescents.
Caroline Miller se propose d’inscrire l’accompagnement des individus dans le champ au combien moderne mais aussi parfois controversé du coaching. Le coaching est un moyen privilégié employé pour que les personnes réalisent leur plein potentiel individuel. On peut ainsi affirmer, que la psychologie positive, en étant centrée sur les forces de la personne, s’harmonise logiquement avec une démarche de coaching !
Dans le texte suivant Andrew Shatté et Dean Becker reviennent de façon moins théorique et plus appliquée sur la notion de résilience notamment en contexte du travail. Ils développent le Système d’Apprentissages Adaptatifs et décrivent les sept éléments qui composent selon eux la résilience. Ils montrent à partir d’études de cas et de données empiriques comment leur stimulation permet son amélioration.
Enfin, pour terminer cette partie dédiée à l’intervention dans le domaine de la psychologie positive, la notion de leadership positif à destination de l’entreprise sera développée par Kim Cameron.
4. Quel futur ? Quels défis à relever ?
Dans cette dernière partie, nous avons souhaité disposer de quelques textes susceptibles de fixer les orientations futures de la psychologie positive. James Pawelski insistera sur les limites actuelles de la discipline tout en indiquant que les conditions même de sa survie et de son développement seront d’en faire une science à part entière. Président élu de l’IPPA, Robert Vallerand nous proposera sa lecture de la psychologie positive aujourd’hui et identifiera les conditions qui doivent être réunies pour que cette nouvelles discipline se développe. L’intégration théorique, l’élargissement du le champ d’étude de l’individu à la société; et 5) d’accentuer le côté appliqué de la psychologie positive.
Enfin, à toute fin utile, le lecteur trouvera en annexe le texte d’Ilona Boniwell qui pourrait servir de trame aux futures initiatives universitaires qui auraient comme dessein d’intégrer l’enseignement de la psychologie positive dans les Universités Françaises. Nous ne pouvons qu’encourager les Universitaires à sensibiliser leurs étudiants à la psychologie positive et nous espérons que cet ouvrage pourra aider ces chercheurs et étudiants à mieux circonscrire ce nouveau champ de la psychologie.
REMERCIEMENTS
La finalisation d’un tel ouvrage n’aurait pas pu se faire sans la collaboration de nombreuses personnes qui ont permis de financer les traductions de l’anglais vers le français ou encore de l’italien vers le français.
Les partenaires | ||||||
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Les partenaires | |||||
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Nos remerciements vont également à l’entreprise CAMINNO d’Angers qui nous a soutenu financièrement dans les débuts du projet.
Un grand merci également aux traductrices des différents textes notamment en ce qui concerne la traduction en français des textes anglophones et en italiens. Nous ne pouvons que saluer ici l’engagement, le sérieux et la qualité du travail réalisé. Un grand merci !
Les traductrices de l’ouvrage | ||
Mme Jenny Rydberg | Mme Muriel Favre | Mme Sylvia Guzzi |
Un grand merci aussi à Marie-Josée Shaar qui a facilité les prises de contact avec certains auteurs parmi les plus réputés de leur champ.
Un tel travail nécessite un travail de lecture et de correction imposant, c’est la raison pour laquelle nous souhaitons remercier Mme Pascale Tarquinio pour le temps consacré à la lecture de l’ensemble des textes.
Un grand merci également à nos familles respectives pour le temps que ce travail a nécessité, un temps qui comme souvent s’est fait à leur dépend. Merci de nous soutenir encore et toujours.